05. Sakhra 2019
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Pierres, cailloux, rochers et montagnes sont le point de départ d’un projet artistique dans le village de Moulay Bouchta al Khamar, situé 75 km au nord de Fès (Maroc) dans la province de Taounate. Partant d’observations et de conversations avec les habitant-e-s sur la vie et l’architecture locale, l’écoute et l’environnement, le projet «Sakhra» réexamine la subjectivité en termes de continuité entre le domestique et le sauvage, l’individuel et le collectif, et à travers les relations inter-espèces.
Initié par l’artiste Abdeljalil Saouli, l’architecte Carlos Perez Marin et l’artiste sonore Gilles Aubry, le projet se veut une plateforme participative de recherche et de création. Il vise notamment à repenser les initiatives artistiques décentrées par rapport aux pôles urbains et au marché de l’art, en lien avec la nécessité de réviser les savoirs actuels liés au sol, à l’architecture et à l’écoute. Du 15 au 17 mars 2019, le public est convié à un événement combinant exposition, performances, balades et discussions, en présence d’artistes et de scientifiques invité-e-s.
Axes de recherche, réflexion et création
1. Cohabiter avec les rochers
L’architecture vernaculaire de Moulay Bouchta témoigne de l’intimité des habi-tants avec leur environnement. En épousant la montagne, les maisons bénéficient de protection contre la chaleur, le froid, le vent et les intempéries. Construites en briques d’adobe, pisé, bois d’olivier et pierres, elles créent une continuité entre les rochers et l’espace bâti. Ce qui pourrait apparaître comme une domestication de la nature est en réalité une cohabitation demandant une renégociation constante, qui passe par des travaux d’entretien des constructions et une adaptation à la topographie chan- geante sous l’effet de l’érosion. Le projet se propose d’étudier les correspondances entre les modes de construction locaux et la pensée architecturale contemporaine, en questionnant notre relation au sol et aux ressources naturelles.
Comment vivre et survivre dans un context rural, sujet à la précarité, à la pression climatique et à l’érosion? Comment cohabiter avec les rochers? Le futur de l’urbanité se joue-t-il aussi dans les campagnes? Comment dépasser les notions problématiques de ‘développement’, de ‘patrimoine’ et de ‘valorisation’, souvent au coeur des discours économiques et culturels portés par les autorités? Et si on partait plutôt des savoirs locaux pour perfectionner des approches telles que la décolonisation du sol, l’apprentissage partagé (D.I.T ‘do it together’), le compagnonnage inter-espèces, l’hospitalité radicale, les économies alternatives et la twisa du sensible?
2. Apparenter l’art à l’environnement
La pratique artistique d’Abdeljalil Saouli est exemplaire d’un dialogue avec les matériaux naturels. Ayant fait le choix de retourner dans son village natal suite à ses études à l’INBA de Tétouan, Saouli a bâti un espace de vie et de création en pleine campagne. Partant de sa propre expérience avec le monde qui l’entoure et de ses rapports avec les existants humains et non-humains qui le peuplent, il réalise des sculptures, peintures, collages et installations. Réalisés à partir de matériaux tels que la pierre, le bois, la chaux, l’argile, le papier mâché, la pâte d’herbe et la terre, mais aussi le métal, le polyester, la photo et la vidéo, les travaux de Saouli se confondent souvent avec son lieu de vie et problématisent à leur manière les continuités entre l’habitat, l’atelier, l’espace de monstration, le village et l’environnement.
Non-limité à la production d’objets destinés à la vente, la pratique de Saouli tends vers une écologie des ressources et savoirs à des fins existentielles et créatives. Le projet a pour objectif d’accompagner cette approche et de l’amplifier à travers une réflexion sur l’art et les modes de vie décentrés par rapport aux pôles urbains et au marché de l’art. Il s’agit notamment de mettre en place à moyen-terme une structure de résidence et de création adaptée aux besoins et contraintes locaux. Comment repenser le rôle de l’art dans ce contexte? Quels sont les enjeux de pratiques animées par un soucis de participation et de co-apprentissage, plutôt que par une nécessité de production? Comment renégocier les enjeux de légitimation, de circulation et de réception de ces pratiques avec les experts institutionnels et représentants du marché de l’art? Quels modèles alternatifs de partenariat sont possibles?
3. S’accorder aux pierres
Le projet s’intéresse au son et à l’écoute comme pratique d’hospitalité radicale et de partage du sensible. On explore ces registres avec la complicité des habitant-e-s: la voix des pierres et des rochers, la perspective auditive des chèvres, ou les détonations des fusils des cavaliers locaux au pouvoir guérisseur. À travers ces histoires locales de l’écoute et de l’imaginaire sonore, on découvre de nouvelles approches pour repenser les savoirs auditifs au-delà de leur dimension matérielle et technologique, en prenant en compte l’affect, l’inaudible et la dissonance.
Comment s’accorder aux voix environnementales? Quels espaces et subjectivités émergent de l’écoute partagée? Comment entendre au-delà des manifestations physiques du son? Quels mondes sonores peut-on imaginer?
4. Atelier-rencontre Sakhra : 15-17 mars 2019
À la mi-mars 2019, le public est invité à Moulay Bouchta pour un premier événement en rapport avec le projet et ses thématiques. Durant un weekend, un programme d’interventions artistiques, ateliers, visites et discussions est proposé avec la participation de gens du village et d’invité-e-s extérieur-e-s.
Les travaux d’Abdeljalil Saouli sont présentés à travers une exposition dans les maisons du village. Des visites permettent au public de découvrir la vie locale et ses modes d’habitation. Une installation est inaugurée, réalisée collectivement à partir des techniques de construction locales. Des interventions sonores complètent le programme, ponctué de sessions de discussions sur les savoirs architecturaux et environnementaux, sur le son et l’écoute, et sur les pratiques artistiques décentrées et participatives.
le programme



le lieu






















































